C’est en petit comité que nous co-voiturons en direction de Gedinne. A l’arrivée, la météo est clémente et l’altitude est de 504 mètres. Point culminant de la région : la tour du Millénaire. Notre objectif sera de rejoindre par les routes et chemins forestiers la Réserve Naturelle Domaniale de la Fange de l’Abîme.

A peine les pieds posés en dehors du véhicule, François Hela, notre guide du jour, nous invite à découvrir les moindres fleurettes qui ont su résister à la sécheresse de l’été. Dans cette région pourtant plus favorable aux précipitations grâce à une altitude plus importante, nous constatons que là aussi la végétation souffre beaucoup du manque d’eau. Les fleurs jaunes de la famille des astéracées seront assez bien représentées. Quelques discrètes observations de champignons sont tout de même possible suite aux très légères pluies tombées quelques jours plus tôt. Plusieurs plants de Potentille anglaise (Potentilla anglica) (photo 1) croissent au bord de fossés, à l’ombre de grands épicéas. Cette fleur est rare pour la région et s’établit sur des sols de landes acides.

Nous pique-niquons dans le bois en refaisant le monde tout en se remémorant des souvenirs de défenseurs de la nature d’il y a plus de 30 ans!;) L’après-midi nous arrivons devant une petite barrière nous invitant à parcourir la sente qui file vers la Fange de l’Abîme. Cette réserve protège une zone tourbeuse de 7ha. Un relevé topographique de 1871 indique que la tourbière y a été exploitée sur toute sa surface. Actuellement l’épaisseur résiduelle de tourbe est de 1 mètre mais l’on pense qu’avant son exploitation, la tourbière était une tourbière haute qui présentait une couche de tourbe bien plus importante. Elle est actuellement encerclée par des plantations d’épicéas.

Le site est assez petit comparé aux grandes étendues fagnardes auxquelles nous sommes plus habitués. Mais il recèle des joyaux! Nous venons aussi pour y découvrir un végétal très particulier: l’osmonde royale (Osmunda regalis) (photo 2). Cette grande fougère peut déployer ses frondes sur une hauteur de 2 mètres.  Elle s’élève de son touradon de quelques millimètres par an. Nous avons devant nous un ensemble de frondes formant un véritable buisson et le touradon à une hauteur de 50 cm. Le calcul est facile: nous voici en présence d’une plante qui à plus de 100 ans! Avec tous nos respects! Auparavant répandue de manière plus homogène en Wallonie, l’osmonde royale a souffert des assèchements et de l’enrésinement des tourbières ainsi que de prélèvements par des horticulteurs peu scrupuleux utilisant les rhizomes de la fougère comme support de culture pour des orchidées! L’osmonde est strictement protégée et figure sur la liste rouge des espèces menacées de Wallonie.

La Fange abrite notamment des engoulevents, la vipère péliade, l’orchis de sphaignes, les bruyères quaternées et le piment royal (Myrmica gale), autre plante menacée et figurant sur la liste rouge mondiale! Ce fut pour certains une première rencontre de ce petit coin de Belgique sauvage, dans des conditions de sécheresse limitant les observations. Mais ce fut un réel plaisir de découvrir toutes ces beautés grâce à l’oeil aiguisé de François!